Pique-nique du dimanche 6 juin 2021

Cerisier en fleur
(c) pixabay

Dans l’ADN de l’association, il y a cette volonté de mettre en place un réseau de solidarité, de convivialité entre les femmes. Cet objectif est en partie assuré par l’existence d’un groupe de discussion privée sur facebook. Il nous permet d’échanger conseils et avis éclairés, de nous soutenir, de partager nos instants de joie, nos doutes, nos peines et nos espoirs. Nous sommes ainsi plus de 1.200 à nous solliciter les unes les autres quotidiennement avec la certitude de trouver une oreille bienveillante quelque soit l’heure.

Néanmoins, après des mois de confinement et de restrictions, le besoin de se voir devenait pressant à mesure que le soleil, le calendrier sanitaire et celui parlementaire se révélaient.

D’autant que le dernier pique nique (parisien) date du 30 juin 2019. Ce jour-là, nous nous sommes embrassées et promis de nous revoir, à la même période, l’année suivante. C’était sans compter avec notre ami Covid.

Entre temps, nous nous sommes revues, ponctuellement, comme ce dimanche 6 octobre 2019 au très symbolique Rosa Bonheur. Cet après-midi là, nous avons fait un pied de nez aux manifestants anti tout. C’était gai, c’était festif. Eux vociféraient leur haine du changement, nous, nous écoutions nos enfants rire.

Depuis, nous nous sommes certes renforcées virtuellement, mais le contact manquait. Jusqu’à ce 6 juin 2021.

Et il y avait de la magie dans cette ré-union de femmes que tout oppose de prime abord.

Oui, car dans ce monde imparfait, plus de la moitié d’entre elles ne se seraient jamais croisées tant elles évoluent dans des cercles vouées à ne jamais se rencontrer. Elles sont en effet, d’âge, d’origine, de milieux socio-économiques différents et pourtant, nous voici, toutes unies dans cette volonté de faire reconnaître notre droit de choisir. Dans une solidarité commune et politique renforcée, la veille d’une échéance parlementaire importante. En effet, à partir du 7 juin 2021, des assemblées majoritairement masculines vont de nouveau réfléchir sur notre droit à disposer de nos corps. De nouveau, nous entendrons les cris de ceux qui s’offusquent de perdre leur monopole sur le concept de famille.

Cette rencontre était donc attendue et elle a eu lieu, dans le strict respect du protocole sanitaire.

« J’avais envie de rencontrer des femmes comme moi car dans mon cercle d’amis et dans la famille, je suis la seule dans mon cas. On peut très vite se sentir seule. Mes impressions sur la sortie : hâte d’en refaire d’autres! » Monica, en début de parcours, qui en quelques mots nous rappelle combien la sororité est une force.

Durant l’après-midi, les femmes ont longuement discuté de leur motivation, de l’importance du groupe dans leur parcours, de leurs attentes et elles se sont toutes quittées avec l’envie de renouveler l’expérience.

Femme - Mam'ensolo
(c) Pixabay

Qu’est-ce qui a motivé la venue au pique-nique ?

« ce qui m’a motivée à venir, d’abord : « incarner » un peu nos échanges, rencontrer les filles du groupe, mais aussi faire se rencontrer les enfants : Sophia est trop petite encore pour bien se rendre compte mais je trouve vraiment génial qu’elle voie et connaisse d’autres enfants « maman solo ». Du coup, j’espère qu’on le refera souvent ! » Julie

« Je suis venue au pique-nique pour rencontrer d’autres femmes dans le même projet de vie, celles qui avaient déjà sauté le pas comme celles qui étaient encore comme moi en préparation ou questionnement. J’ai trouvé la sortie très sympa, les personnes s’écoutaient toutes sans jugement même si bien sûr dans ce type de configuration il est difficile de parler à tout le monde. » Alexandra, en réflexion

« Ce qui m’a poussé à venir au pique nique c’est d’abord mon envie de rendre mon projet plus concret et non plus un fantasme que j’ai dans la tête (j’ai 28 ans et pour le moment je n’ai pas encore débuté mon parcours). C’était aussi l’envie de démystifier la chose : en repartant je me suis dit que nous étions toutes des femmes normales, très belles en plus donc ça m’a aussi rassuré sur moi même. Si j’entame une pma solo ce n’est pas forcément parce que quelque chose cloche chez moi car mes sœurs dans le même cas sont des femmes tout ce qu’il y a de plus normal » Monica

Cette sortie était donc une manière de passer de l’autre coté de l’écran, sortir du virtuel

« Je voulais retrouver la bonne ambiance de la dernière rencontre du 6 octobre 2019 au Rosa Bonheur, rencontrer les nouvelles avec qui j’échange sur le groupe et mettre des visages sur des noms. C’était très sympa. Il faudra recommencer. » Nathalie, maman d’un petit garçon de 2 ans

« Quelle bonne idée de pouvoir rencontrer d’autres femmes qui partagent la même chose c’est très rassurant. C’est vraiment enrichissant. » Laura, en parcours, qui a fait le déplacement depuis Orléans

« Je suis ravie de voir tout ce monde. Je n’ai pas pu discuter avec tous le monde mais je trouve l’initiative très bonne, j’espère qu’il y aura d’autres occasions de se revoir. Puis, c’est sympa de suivre les parcours de certaines et de faire connaissance. » Sandrine, maman d’une grande fille

« C’est cool de se rencontrer en vrai. Discuter avec des personnes dans la même situation que moi » Janaïna, maman en devenir, toulousaine, de passage à Paris

Dans ce monde nouveau, fait de gestes barrières, nous avons ri et échangé, un œil rivé sur nos enfants, qui se sont bien amusés

Jumeaux - Mam'ensolo
(c) Pixabay

« L’ambiance était à l’image du groupe : détendue et bienveillante, c’était très sympa. C’était impossible de parler avec tout le monde, on était trop nombreuses, mais je me suis dit en repartant que si on arrivait à le faire régulièrement, ça se ferait sans doute tout seul » Julie

« C’est super de voir les gens en vrai. Je suis franchement contente de rencontrer des personnes avec le même parcours, ça rend les choses plus concrètes » Adeline

« Très chouette idée d’organiser des événements comme ça pour faire connaissance, sympa aussi pour les enfants qui peuvent voir d’autres familles comme la leur, chouette de voir en vrai des gens avec qui on a parlé sur facebook. » C.

Les enfants étaient bien entendu au rendez-vous. De 3 mois à 8 ans sans compter les ventres épanouis, certains plus discrets et autant d’espoir dans les yeux de toutes ces femmes réunies.

« je suis rentrée du pique nique plus sûre que jamais de mon choix de vie » Monica

« De pouvoir rencontrer d’autres femmes qui partagent la même chose c’est très rassurant. » Laura

« J’apprécie le mélange des statuts, car on découvre des femmes avec des enfants, d’autres enceintes etc. c’est rassurant, on se sent moins seule » Adeline, en parcours

Un groupe de femmes, une bulle de soutien

La force du groupe réside dans sa bienveillance à tout instant.

« Le coté clandestin me gêne mais suivre les discussions sur des questions parfois hyper intimes que l’on se pose aussi intérieurement est intéressant. On constate que d’autres se les posent également et on suit leur raisonnement. Ça dédramatise et ça peut nous conforter face à certaines émotions que l’on ressent » Vanessa

« J’adore ce groupe. Il ne se déclare pas féministe au départ, et pourtant de tous les groupes prétendument féministes où je suis, c’est le plus féministe et le plus bienveillant : il est assez simple de pointer qu’une personne a des propos problématiques, ça ne vire pas au pugilat, on arrive à avancer ensemble. J’apprécie aussi la solidarité que j’ai pu y trouver pour moi et celle que j’ai vu se développer au fur et à mesure des posts. Et les conseils issus des partages d’expérience m’ont prodigieusement aidé à ne pas trop me faire balader par des cliniques ou des gynécos. » Marie-Lys

Sororité - Mam'ensolo
(c) pexels

« Il y a une telle bienveillance et on ne se sent pas seule. Ce qui est intéressant c’est que tous les sujets autour de la maternité sont abordés et pas seulement la procréation, cela permet de se projeter. Par exemple, on parle de l’avant, du pendant et de l’après avec des questions sur les poussettes etc.  » Laurine

En route vers le militantisme ?

Nombreuses sont les femmes qui, interrogées, ignoraient que le groupe est une émanation de l’association Mam’ensolo. Nous sommes des femmes qui réfléchissons et agissons solidairement face à une injustice subie par des femmes, puis nous nous entraidons.

Toutes les femmes du groupe ne sont donc pas adhérentes à Mam’ensolo mais elles peuvent bénéficier des partages de la communauté.

« J’ai adhéré à l’association pour militer, montrer qu’on est nombreuses et qu’on existe. J’avais ce besoin d’avoir puis de partager des infos pratiques sur comment faire un bébé toute seule. Discuter avec des personnes dans la même situation que moi. En bonus me faire des copines » Janaïna

« J’attends de l’association que vous continuez comme ça à vous battre pour qu’on puisse enfin en France avancer dans nos droits. Malheureusement nous sommes à la ramasse contrairement à nos voisins. » Laura

D’autres encore se sont dites prêtes à militer activement pour faire avancer les mentalités.

Cette avancée est nécessaire tant nos parcours actuels sont complexes.

« Je suis épatée par la force des femmes, j’ai eu un parcours « simple », je ne sais pas si j’aurais eu la force et les finances pour mener à bien ce projet si ma FIV n’avait pas fonctionné aussi rapidement. Et quand je lis le projet de loi, ce qui pourrait être permis par rapport à ce qui se fait depuis longtemps chez nos voisins, je suis heureuse de ne pas avoir attendue » Sandrine

En somme, nous sommes à la veille d’une troisième lecture du projet de loi de bioéthique et ce dimanche ensoleillé était le jour idéal pour se retrouver, discuter, se motiver et oublier l’espace d’un instant les tergiversations parlementaires.

Feministe - Mam'ensolo
(c) Pixabay

Et après ?

« Et en fait, en repartant, c’est ce que j’avais envie de proposer : qu’on essaie de faire ça plus souvent (au même endroit ou pas), peut être en fixant une sorte de régularité ou de date de principe, celles qui veulent viennent et se voient » Julie

« J’aimerais bien qu’on la transforme en (ou qu’on crée à côté une) Ligue des mères célibataires. Un truc pour s’entraider entre nous, par ville peut-être, pour s’échanger nos gosses à garder, histoire aussi qu’ils se connaissent et qu’ils héritent de cette communauté qu’on a formé » Marie-Lys

Tous les chemins mènent à Mam’ensolo

Témoigner est essentiel. Exposer nos vécus, nos existences afin que chaque femme puisse être rassurée sur ses choix, ses désirs, qu’elle soit de Mayotte, de Mayenne ou du Val de Marne.

Mam’ensolo existe depuis 3 ans et grâce aux divers témoignages, elle réunit désormais des femmes vivant en France métropolitaine, dans les outre-mer, en Belgique, aux États-Unis, en Allemagne, en Suisse, au Canada, en Angleterre…

« J’ai découvert l’association en regardant un reportage sur France Télévisions, jusque là, j’ignorais qu’il y avait tant de femmes qui avaient fait ce choix et qu’elles s’étaient organisées en association » M.

« Je suis en début de parcours. J’ai pris ma décision en février 2021 et juste à ce moment, je découvre l’association grâce à Causette. Il y a des signes comme ça. A 42 ans, je partais sur le principe que mes chances étaient infimes et le groupe m’a redonné confiance. Je me rends compte que c’est possible. » Laurine

« J’ai connu l’asso par Facebook. J’espère que nous aurions l’occasion de refaire d’autres sorties de ce type. » Alexandra

« J’ai connu le groupe en tapant sur internet « maman solo ». J’étais à l’époque sur un autre groupe de papa et maman solo après des séparations. Mais j’ai ressenti le besoin de rechercher un groupe plus proche de mon parcours » Sandrine

« De manière générale, le groupe facebook fait que l’on se sent moins seule. Il y a pleins d’info auxquelles on a pas forcément accès en temps normal. Je suis suivie mais les soignants ne sont pas toujours disponibles » Vanessa

Il est vrai que des femmes ont acquis une véritable expertise empirique sur leur biologie. La communauté rassure, aide à comprendre le discours médical, alerte lorsque cela s’avère nécessaire et est d’un soutien précieux.

C’était donc plus qu’un pique-nique, la première rencontre depuis des mois. L’occasion de réfléchir sur nos familles, de discuter de nous lors d’une rencontre symbolique par le calendrier parlementaire. Une rencontre à quelques jours de l’anniversaire de l’association, car oui, Mam’ensolo souffle une nouvelle bougie en ce mois de juin.

Mono maternité - Mam'ensolo
(c) Pixabay

bell hooks nous rappelle que « la sororité féministe s’enracine dans un engagement mutuel à lutter contre l’injustice patriarcale quelque soit la forme que prend cette injustice. La solidarité politique entre femmes détruit toujours le sexisme et prépare le terrain pour renverser le patriarcat. »

Et c’est sous ces belles paroles pleine d’espoir que nous nous sommes quittées, mues par ce désir de vie, d’amour et par la volonté de bousculer des mentalités dépassées.

Ce dimanche 6 juin 2021, par petits essaims, nous étions au final 42 femmes sur ce petit coin d’herbe.

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