Mam’ensolo n’a pas été entendue par les rapporteurs de l’OPECST. Nous avons été invitées à leur adresser une contribution.
Notre réaction suite à la publication du rapport de l’OPECST :
Mam’ensolo prend acte de la prise de position de l’OPECST pour qui la PMA pour Toutes est essentiellement de motivation sociétale. Toutefois, l’OPECST semble occulter les alertes, lancées par les scientifiques, spécialistes de la médecine de la reproduction, sur la tendance à la baisse de la fertilité dans les sociétés occidentales. Très tôt dans sa vie, une femme peut être confrontée à une perspective rapide d’infertilité (ménopause précoce, endométriose..) qui la place dans un dilemme entre son désir d’enfant et le temps consacré au choix d’un(e) partenaire. Madame la Sénatrice Delmont Koropoulis a écrit dans ce rapport : « votre rapporteure insiste sur la nécessité de prévoir un entretien préalable avec une équipe pluridisciplinaire, comprenant des psychologues et pédopsychiatres (…). ». Ces entretiens sont prévus par le code de la santé publique. Quand une femme se décide à faire un enfant seule, c’est après un long cheminement et beaucoup d’entre elles ont déjà entrepris un parcours individuel avec un psychologue. Quelle que soit la solution retenue, elle ne peut créer un délai supplémentaire à un moment où le temps nous est compté. Il est urgent que ces débats dont certains insultent la dignité et le sens des responsabilités des femmes, cessent et qu’un projet de loi soit déposé et voté au Parlement.
Synthèse de notre contribution adressée à l’OPECST le 8 septembre 2018
En introduction, nous avons rappelé que l’interdiction de la PMA pour les femmes en couple et célibataires en France est constante depuis le vote de la première loi de bioéthique en 1994. Les femmes célibataires qui veulent être mères sans partenaire masculin, s’adressent donc aux hôpitaux et cliniques d’autres pays européens :
« Dans son rapport en 2008, l’OPECST a recommandé d’ouvrir aux femmes célibataires médicalement infertiles l’accès à l’AMP, avec un suivi psychologique.
Le « tourisme procréatif » qu’évoquait l’OPECST en 2008, ressemble parfois à s’y méprendre au « tourisme de l’avortement » des années 1970. Au nom du droit de l’enfant à naître, la France semble avoir depuis des décennies des difficultés majeures à accepter que les femmes françaises décident de leur fécondité et du choix de leur maternité, après avoir eu les mêmes interrogations pendant des dizaines d’années relatives à leurs droits civiques et politiques.
Nous avons cependant choisi d’orienter notre exposé principalement sur les aspects médicaux de la PMA, en raison des missions dévolues à l’OPECST. »
En première partie, nous avons exposé les raisons qui justifient de protéger la santé sexuelle et reproductive de toutes les femmes, quelle que soit leur statut matrimonial ou leur orientation sexuelle :
« La protection de la santé reproductive et le droit à donner la vie doivent être le même pour toutes les femmes, sans distinction de statut matrimonial ou d’orientation sexuelle.
L’« horloge biologique » de la femme est différente – dans le temps – de celle de l’homme. A 35 ans, la capacité d’une femme à concevoir un enfant « naturellement » décroit très vite.
Aucun dispositif de santé publique n’existe pour la préservation de la fertilité des femmes.
Les femmes de plus de 35 ans présentant une insuffisance ovarienne liée à l’âge sont prises en charge en France. Nos institutions considèrent donc que l’infertilité liée à l’âge entre dans le cadre des infertilités d’origine pathologique prévues à l’article L.2141-2 du code de la santé publique.
Toutes les patientes interrogées après avoir eu recours à un don d’ovocytes ont confié qu’elles auraient préféré bénéficier d’une auto-conservation ovocytaire avant 35 ans si elles en avaient eu la possibilité.
C’est sous la forme d’un manifeste qu’un collectif de 130 médecins mené par le Professeur Frydman a listé 4 propositions majeures sur le don d’ovocytes, l’analyse génétique de l’embryon, l’autoconservation des ovocytes, le don de sperme aux femmes seules.
L’association Mam’ensolo s’associe totalement à ce diagnostic et demande donc l’évolution des lois de bioéthique en France pour toutes les femmes pour ce qui est de ces 4 propositions majeures. »
En seconde partie, nous avons exposé pourquoi il nous semble très important que les droits des enfants conçus par PMA avec tiers donneur soient les mêmes pour tous les enfants :
« Comme le souligne l’Agence de biomédecine dans son rapport de janvier 2018 sur l’application des lois de bioéthique, les dispositions légales qui régissent l’AMP sont d’abord guidées par l’intérêt de l’enfant à naître.
En 2008, en proposant d’autoriser la PMA aux femmes célibataires médicalement infertiles, avec un suivi psychologique, l’OPECST a implicitement écarté les critiques fondées sur la précarité des femmes (dont les salaires sont certes inférieurs à ceux de leurs homologues masculins) ou sur la possible souffrance des enfants de ne pas avoir de père.
Sur le plan émotionnel, nous avons constaté qu’un enfant est beaucoup plus à l’aise psychologiquement de vivre avec l’idée qu’il est issu d’un homme généreux qui a fait un don d’engendrement pour aider des femmes à devenir mamans, qu’avec le sentiment d’avoir été abandonné par un père biologique qui s’est désintéressé de lui et de sa mère.
Nos enfants n’ont en général pas de difficulté conceptuelle à comprendre la différence entre un père et un donneur. Savoir qu’un homme altruiste à accepter de faire un don de gamètes pour lui donner la vie, est perçu de façon très positive.
La méconnaissance des droits de l’enfant consiste à refuser aux seuls enfants des femmes célibataires l’accès à leurs origines
Pour les enfants issus de l’AMP, une des relations qui joue un rôle important dans la construction de leur identité est celle qu’ils noueront avec leur origine. En particulier, ils doivent reconnaître qu’ils doivent aussi la vie à un donneur qui, en droit français, est anonyme.
En 2009, le Conseil d’Etat a relevé que le France est l’un des rares pays à avoir opté pour un principe d’anonymat absolu du donneur à l’égard du couple infertile et de l’enfant. La Cour européenne des droits de l’homme ayant récemment été saisie de cette question aura à se prononcer dans les prochains mois sur la compatibilité de la règle d’anonymat avec la Convention européenne des droits de l’homme.
Le droit d’accès à leurs origines doit être le même pour tous les enfants, sans distinction entre le statut matrimonial de leurs parents. »
Ainsi, et pour conclure, nous avons proposé d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux femmes célibataires dans strictement les mêmes conditions que pour les couples.