Filiation de nos enfants – Retour sur l’article du Parisien

Pour rappel, « La filiation est établie, à l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant. » (art. 311-25 du Code civil).
Dans l’hypothèse d’une PMA solo, aucune filiation n’est possible à l’égard du donneur (art. 311-19, 311-20 du Code civil),
Donc, la filiation maternelle est établie à l’égard de celle qui accouche et dont le nom apparaît sur l’acte de naissance.
Toutefois, la seconde branche reste vide :

  • dans l’absolu tout homme peut donc reconnaître l’enfant dès la naissance et tant qu’aucune
    filiation n’est inscrite
  • dans les faits, le nouveau compagnon de la femme peut le reconnaître facilement et faire valoir la
    possession d’état (en somme, l’apparence d’un père, qui s’est comporté comme tel, reconnu comme
    tel, et appelé ainsi par l’enfant) art. 311-1 du Code civil.

Par contre, une femme ne peut reconnaître l’enfant de sa compagne et doit nécessairement passer
par l’adoption, sauf si une reconnaissance conjointe anticipée devant notaire avait été réalisée, puis
reconnaissance conjointe à la naissance.

L’article du Parisien vous a fait réagir et a suscité de nombreuses angoisses. Il nous a donc semblé utile d’apporter quelques précisions juridiques nécessaires.

Une filiation non protégée

Mam’ensolo alerte depuis des années sur la fragilité de la filiation de nos enfants et sur la nécessité
de les protéger contre des filiations paternelles non sollicitées. Lors des discussions sur la loi de
bioéthique, il avait d’ailleurs été envisagé par certain.e.s de prévoir qu’en cas d’enfant conçu par une
femme en solo via une PMA, il ne soit pas possible qu’un homme puisse devenir le père de l’enfant par simple reconnaissance en mairie (l’adoption restant toujours possible).

Nous ne commenterons pas la situation particulière exposée dans l’article dans un souci de respect de la vie privée de la personne. Nous préciserons cependant, qu’il est parfaitement établi que la mère a eu recours une PMA solo au Portugal.

Ce qu’il faut donc retenir dans ce genre de situation, c’est que les juridictions statuent dans l’intérêt de
l’enfant. Et pour cela, elles s’attardent sur l’historique du couple et le fait que l’homme se soit
comporté comme un père pour l’enfant. Elles apprécient si cela a été fait sur un temps avec l’accord de
la mère.
Ainsi, bien évidemment, la situation d’un homme qui n’est pas le père biologique et qui reconnaît
l’enfant sans accord de la mère et sans avoir un rôle de père ne sera pas jugée de la même manière
que celle d’un homme qui n’est pas le père biologique et qui reconnaît l’enfant en accord avec la
mère et en prenant en charge l’enfant.
De plus, l’intérêt de l’enfant tel que vu par la juridiction est un intérêt distinct de celui des parents.

Lorsque la situation est voulue depuis le départ, cela ne pose donc aucune difficulté. Dans le cas contraire, cela nécessite donc d’engager des poursuites judiciaires. La soloparente devra ainsi demander l’annulation de la reconnaissance devant le Juge de la filiation mais également faire face à l’action de l’homme désireux d’obtenir des droits devant le Juge aux Affaires Familiales (sans oublier la potentielle saisine d’un Juge des enfants et des actions devant le Juge pénal si les relations entre les deux adultes s’enveniment). A cela, s’ajoute également le fait de devoir expliquer plus tard à l’enfant, les mentions rayées (ou non) sur son acte de naissance. Ce dernier point est certes accessoire mais symbolique et tout aussi important.

Ce sont autant de contraintes qui justifient notre volonté de souhaiter une meilleure protection de la filiation de nos enfants.
Enfin, tout ceci montre les limites légales des situations des femmes ayant réalisé une PMA tout en
étant en couple hétérosexuel, surtout s’il y a cohabitation.


La PMA solo en couple indirectement contestée

L’objet même de l’association Mam’ensolo réside dans l’idée que toute femme devrait pouvoir concevoir sa famille et décider de dissocier parentalité et vie amoureuse. Elles sont nombreuses à avoir déjà témoigné en ce sens prouvant ainsi que le profil des soloparentes est protéiforme et défie les préjugés communs. C’est ainsi le cas par exemple de Marion (lien), de Bénédicte (lien) et bien entendu, c’est toute la thématique de l’ouvrage de Judith Duportail (Maternités Rebelles, octobre 2024, Binge audio Éditions).

Ce concept porté par les féministes se heurte pourtant à l’implacable lecture des juridictions qui ne jurent que par la dyade papa-maman.
Ainsi, une filiation paternelle dans le cadre d’une PMA solo, même contestée et qui ne sera donc
jamais paisible, leur est préférable à pas de filiation paternelle.

Par ailleurs, il faut aussi garder à l’esprit que le moment de la contestation a son importance, surtout si l’état n’est contesté qu’à l’issue de la séparation du couple.

En tout état de cause, le cas évoqué dans l’article du Parisien n’est pas isolé. L’association a hélas connaissance d’autres situations similaires de femmes actuellement en procédure contre des ex-compagnons (avec parfois, des reconnaissances effectuées malgré le désaccord de la mère).

N’hésitez pas à nous écrire si c’est ce que vous vivez.

Enfin, si vous avez conçu un enfant dans le cadre d’une PMA solo et qu’un homme souhaite reconnaître votre enfant, prenez conseil avant pour en mesurer les conséquences et, si cela n’est pas votre projet, n’hésitez pas à le contester.
Sachez aussi qu’il existe des mécanismes qui peuvent permettre à votre compagnon de jouer un rôle
auprès de votre enfant sans qu’il ne soit nécessaire qu’il reconnaisse votre enfant, la délégation
d’autorité parentale en est un exemple.

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